Immersion scientifique
Le principe
Nous avons testé à deux reprises une nouvelle façon d’enseigner la physique expérimentale : l’immersion-fiction. Nous avons proposé à une vingtaine d’étudiants en licence de science de vivre une fiction pendant 3 jours non stop. Ils devaient assister à distance un vaisseau explorant une comète. Cette nouvelle façon d’enseigner a permis de développer chez les étudiants la créativité, la gestion de groupe, l’autonomie, et de leur permettre de confronter leurs connaissances à des situations « réelles » hors des habituelles salles de travaux pratiques. Nous vous proposons un retour d’expérience et de quoi faire vous-même cet enseignement si vous êtes intéressé.
L'immersion en 4 minutes
La fiction proposée
Suite à un problème au centre de l’agence spatiale européenne, une procédure d’urgence est déclenchée et les étudiants, ici des ingénieurs en session « team building », doivent soudain tout arrêter et prendre le relais des communications pour aider un vaisseau spatial à distance. Ce vaisseau est justement en train d’atterrir sur une comète étrange et inconnue qu’il doit l’explorer. Mais ce vaisseau n’a, suite à des problèmes techniques, qu’un équipement scientifique de base très réduit. Les ingénieurs sur Terre (les étudiants) ont le même équipement : ils communiquent avec le vaisseau pour l’aider à explorer la comète, en lui suggérant quoi fabriquer et comment après l’avoir testé eux-même. S’en suivent une succession de missions courtes pour aider le vaisseau, et d’analyse des datas qui reviennent du vaisseau.
Le scénario prévoit différentes évolutions selon ce que proposent les ingénieurs sur Terre, jusqu’à un final pour le peu surprenant !
Les objectifs pédagogiques
Cette immersion vise d’abord au développement de compétences en physique expérimentale : usage de capteurs via des smartphones et des cartes Arduino, création d’expériences de zéro, tests, analyse de données, production de protocoles. Elle permet aussi de développer plusieurs compétences transversales : travail en groupe et en auto-gestion, travail en autonomie avec contrainte de temps, créativité et design, communication.
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Quelques retours des étudiants
Nous avons interrogé les étudiants sur différents points en leur demandant de donner leur sentiment sur une échelle de 1 à 7 (enquête anonymisée menée auprès de tous les participants).
- Qu’avez-vous pensé de l’immersion ? Les étudiants ont fortement apprécié l’expérience (moyenne de 6.6 sur une échelle de 1 à 7). « J’espère juste que d’autres groupes d’étudiants auront l’occasion de vivre cette fabuleuse expérience », « J’ai adoré ces 3 jours, on recommence quand ??! ».
- Qu’avez-vous pensé du fait de ne pas attribuer de notes ? Les étudiants ont plébiscité cette absence de note (moyenne de 6.5/7) malgré des réticences initiales.
« ça nous permet simplement de nous concentrer sur l’essentiel : apprendre, comprendre, résoudre. On peut essayer et rater sans se soucier des conséquences, et ça marche », « Pas de peur de l’échec », « Moins de stress, plus de naturel, plus de prise d’initiative, plus de collaboration », « Ça a permis d’être plus créatif et tenter de faire des trucs qui peut-être vont pas nécessairement marcher mais peuvent ». - Qu’avez-vous pensé du fait que les profs ne jouent jamais leur propre rôle ? Les étudiants ont là encore loué ce choix (moyenne 6.3/7). « Il y a une liberté liée au fait que les profs ont des rôles. Ça nous oblige à se remettre en cause », « Frustrant mais bien. Ça nous pousse à nous dépasser, à trouver l’info par nous mêmes ».
Les clés du succès
- La fiction : tous les éléments de « décors », audio, vidéo, badges, convocations, participent à vraiment créer un univers fictif vraisemblable. On y croit et on joue donc le jeu à fond.
- Un lieu hors des bâtiments habituels renforce l’immersion (un autre bâtiment ou même gîte à la campagne).
- Des questions et problèmes ouverts sans solution unique laissant les étudiants complètement libres.
- Pas de notes : les étudiants ne sont pas notés, mais par contre ils sont évalués par plusieurs retours au cours de l’immersion et à la fin. L’absence de notes « déstresse » les étudiants, leur permet de créer et d’innover sans peur de l’échec, et permet aussi de relâcher certaines contraintes et crispations entre étudiants dans les groupes.
- Les profs ne jouent jamais le rôle de profs : là encore, cela montre aux étudiants qu’il n’y a pas une « bonne solution » et que leur travail est vraiment ouvert.
Vous souhaitez vous-même mener un enseignement analogue ? Contactez-nous, nous vous fournirons le kit complet : scénario, documents, vidéos, audios, liste du matériel à prévoir, et conseils.
Contact : julien.bobroff@u-psud.fr
Ce projet a été conçu et enseigné par Julien Bobroff et Frédéric Bouquet (Univ. Paris-Sud) et Ulysse Delabre et Philippe Barberet (Univ. Bordeaux).
Il a bénéficié du soutien « Pédagogie Innovante » de l’IDEX Paris-Saclay. Merci au soutien de Bénédicte Humbert et Franck Brouillard de l’Institut Villebon, de Patrice Hello de la double Licence Math-Physique de l’université Paris-Sud, aux conseils précieux de Fabrice Jouvenot (CRI), Hervé Dole (Univ. Paris-Sud) et Gilles Lejeune, et à la participation de Frédéric Restagno. Merci à Nathanaël Esnault et Fauzia Sghiouar (UF Physique, Bordeaux) et au réseau FIGURE (« Initiatives d’excellence en formations innovantes », IDEFI 2011).
Enfin et surtout, merci à la participation de tous les étudiants, de Bordeaux, de l’Institut Villebon, et de la double licence math-physique de l’Université Paris-Sud Paris-Saclay.